Dans un article posté en janvier 2009, le Blog du bibliophile s’interrogeait sur le problème du rangement des livres pour un particulier. Vaste problème que l’on rencontre aussi (dans une certaine mesure) dans les bibliothèques publiques. Le problème de place, de l’espace en raison de l’accroissement des collections en est un, le problème de l’ordre c’est à dire le fait de pouvoir trouver ce que l’on cherche un autre.
Je reprends ici les idées exprimées par Georges Perec dans un petit livre intitulé Penser / Classer savoureux. Le chapitre intitulé « notes brèves sur l’art et la manière de ranger ses livres » pourra peut-être vous aider mais surtout vous faire réfléchir. On en trouve d’ailleurs une partie sur Internet sur le site Desordre.net.
Nous allons ici uniquement nous intéresser au problème de place, au rangement physique proprement dit, le classement fera l’objet d’autres articles.
Georges Perec évoque donc le problème de l’accroissement d’une bibliothèque en commençant par l’idée d’une bibliothèque idéale qui serait constituée de 361 volumes. En cas de nouveaux achats il faudrait éliminer la même quantité de volumes. Projet qui devient vite un casse-tête avec Perec !
Il énumère ensuite les endroits où l’on peut mettre et trouver des livres. L’étagère est le meuble le plus utilisé, les livres étant rangés les uns à côté des autres. Il peut y avoir un coin bibliothèque voir une pièce entière consacrée aux livres.
En réalité un livre peut être rangé à peu près n’importe où : chambre, entrée, toilettes, cuisine (livres de cuisines)… sauf pour la salle de bains (trop humide).
Bref le livre peut être disposé un peu partout, selon les besoins et l’envie de la personne.
Petit retour en arrière
Au Moyen Age le volume de livres est très faible (entre 10 et 200 volumes dans les bibliothèques monastiques, encore moins chez les particuliers). Les livres sont disposés à plat, seuls soit entassés les uns sur les autres. Le plus souvent on les trouve dans une niche, un coffre ou une armoire. A la fin du Moyen Age un nouveau mobilier fait son apparition : le pupitre où les livres sont posés à plat et qui sert à la lecture.
Un modèle de bibliothèque en deux parties se met en place sur le modèle du Collège de Sorbonne : la magnia libraria et la parva libraria. Dans la première on trouve les usuels et ouvrages courants (attachés à des pupitres par des chaînes), dans la seconde (sorte de réserve, ancêtre de nos magasins !) sont disposés dans des armoires (fermées à clés bien sûr) les ouvrages en double, moins essentiels ou moins intéressants (qui peuvent contrairement aux premiers faire l’objet de prêts). N’oublions pas qu’au delà de la bibliothèque proprement dite des livres sont aussi rangés dans la sacristie, dans le Trésor (pour une église), dans les chambres des religieux, à l’infirmerie…
Les chaînes disparaîtront au 17e siècle ainsi que les pupitres pour faire place à des étagères ou armoires installées contre les murs de la bibliothèque. Beaucoup de ces armoires sont pourvues de grillage. En plus d’un classement thématique (théologie, droit canon, belles lettres…) on met les grands formats (in-folio) en bas des étagères, puis les formats in-4 et en haut les in-12, in-18 etc… Une pièce à part sert parfois « d’Enfer » pour les livres « hérétiques » ou dissonants !
Le fait d’avoir des étagères au milieu de la pièce (en travées) est une conception récente. Pour les bibliothèques publiques aujourd’hui l’étagère est reine. La bibliothèque possède généralement un accès public (le libre-accès) et une partie privée (les magasins, la réserve) où sont mis les livres plus anciens, les livres précieux, peu consultés ou en mauvais état. Pour les magasins on utilise des étagères en métal, réglables en hauteur ou des compactus (rayonnages mobiles sur rail qui permettent un gain de place important). Des meubles spécifiques sont utilisés pour les cartes et les estampes (à tiroir), les microfiches, les brochures, les revues… et les documents les plus précieux sont parfois regroupés dans une pièce avec une porte blindée.
Dans une bibliothèque on trouve des livres un peu partout : dans les salles de lecture, dans les réserves bien sûr, mais aussi dans les bureaux (livres à cataloguer et à équiper, instruments de travail), en salle de repos ou dans la cuisine (plutôt des magazines) et parfois des revues apportées par les bibliothécaires dans les toilettes (véridique !).
En ce qui concerne les particuliers, on trouve des ouvrages un peu partout dans l’habitation, au Moyen Age souvent dans la chambre, le plus souvent dans un coffre ou au mieux une armoire à livres. Il faut attendre le 18e siècle pour que de riches particuliers possèdent une pièce uniquement réservée aux livres et autres curiosités.
Ce qu’il faut retenir : au-delà d’un certain seuil le problème de l’espace et du classement se pose. Un livre peut être rangé presque partout. L ‘étagère est le support par excellence, les livres sont posés les uns à côté des autres, tranches contre tranches, dos devant nous.
Georges Perec finissait ce chapitre en montrant l’impossibilité d’un ordre parfait d’accès au savoir, de l’importance de la découverte (retrouver un livre par hasard), bref une bibliothèque lieu de découvertes et de chemins divers et variés.
Pour ma part, les livres sont rangés sur des étagères, la plupart des livres anciens dans une vitrine, les gros volumes à plat. Certains livres anciens sont mis dans des boites pour les protéger. Il n’y a pas de classement (j’attends de dépasser les 1000 volumes ;-)), ils sont classés un peu par formats. Pour l’instant je m’y retrouve !
Pour aller plus loin
Et je tournais ma peine dans mes livres (extrait de Penser / Classer)
Penser / Classer / Georges Perec. Paris : Ed. du Seuil, 2003. ISBN 2-02-058725-4
Lire aux cabinets / Henry Miller. Paris : Ed. Allia, 2000.
Une histoire de la lecture / Alberto Manguel. Arles : Actes Sud, 2000
Le mobilier des bibliothèques / Jean Vezin. In : Histoire des bibliothèques françaises. I, Les bibliothèques médiévales du VIe siècle à 1530. Paris : Ed. du Cercle de la Librairie, 2009, p. 491-521
Léo Mabmacien
La vie des libraires ou des propriétaires de bibliothèque serait plus belle sans les in-folio qui ne sont pas adaptés au manque d’espace de nos logements et qui cassent le dos des vieux bibliophiles.
Et pourtant ! Un Moréri ou une lourde édition de la Maison Quantin ont tant de charmes… Pierre
Pierre, si vous vous débarrassez de vos lourds in-folio très encombrants, je suis preneur. Je trouverai bien une petite place pour les loger chez moi ;-))
Bravo pour votre nouvelle rubrique « questions réponses » !
Bien cordialement
Léo
recommandation pour le rangement des livres anciens :
par format f°, 4°, 8°, 12°, 16° en ouvrant une tranche numérique par format pour la cote.
Au 18è siècle les bibliothèques devaient probablement utiliser la classification de Brunet tout en respectant les formats.
Gérard.
[…] par les particuliers sont rangés à plats sur une étagère, dans un coffre, une niche… (cf. Le rangement des livres anciens mon précédent article). Pour les institutions religieuses ou civiles possédant une plus grande collection, un classement […]