Diversité des marques typographiques dans les livres anciens


Que ce soient des gravures sur bois, sur cuivre (plus rares), qu’elles soient petites ou s’étalent sur la page de titre, les marques typographiques ou marques d’imprimeurs-libraires ne sont pas toujours faciles à distinguer d’une simple vignette, d’un fleuron. Il faut savoir aussi qu’il existe souvent plusieurs états d’une marque, soit qu’elle a changé dans le temps, soit que l’imprimeur-libraire en dispose de différentes tailles selon les formats envisagés. La présence d’une devise est souvent une bonne indication tout comme la présence d’un personnage, d’un animal… L’adresse permet parfois de deviner ou confirmer la marque comme ici avec Le Jay et sa marque au Grand Corneille. Mais parfois on a de belles surprises !

Un exemple de deux pages de titres de livres imprimées par Prault avec un fleuron « quelque peu » différent :

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Marque de Prault, le serpent se mordant la queue (ouroboros)  représentant l’immortalité, le cycle éternel de la nature.
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Fleuron utilisé par Prault en page de titre. Ce n’est pas une marque typographique.

Il ne vous reste plus qu’à vous exercer. En voici quelques exemples assez représentatifs. Pour chaque imprimeur-libraire sont précisés (si possible) le nom et prénom, la période d’activité, l’enseigne, la devise, un lien vers la notice de la Bnf et parfois des détails plus importants. Je profite de cet article pour vous signaler la base des marques des Bibliothèques Virtuelles Humanistes pour reconnaître certaines marques.

 

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Antoine de Sommaville (1620-1665, période d’activité)

Enseigne(s) : À l’Écu de France

L’Ecu de France se retrouve souvent dans les publications juridiques officielles (textes de lois comme les ordonnances…) sans être une marque typographique de l’imprimeur-libraire. Ces imprimeurs-libraires ont été sélectionnés par le pouvoir et ont donc un monopole lucratif sur les textes officiels, que la mention « ‘choisi(s) par ordre de Sa Majesté pour l’impression de ses nouvelles ordonnances » vient confirmer » (voir Production et usages de l’écrit juridique en France du Moyen-Age à nos jours / Dir. Jean-Dominique Mellot).

L’ écu ci-dessus a été utilisé entre 1589 et 1792 et est décrit par l’encyclopédie Wikipédia :

« L’écu de France et Navarre, sous les Bourbons : parti de France moderne et de Navarre ; timbré de la couronne royale fleurdelisée fermée ; accompagné des colliers des ordres de Saint-Michel et du Saint-Esprit. »

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Antoine Vitré (1609?-1679?)

Devise(s) : Virtus non territa monstris

La marque de Vitré (reprise de celle de Jacques Duclou) montre un Hercule terrassant l’hydre de Lerne, un boeuf…

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Jacques Barrillot (1706-1754)

Devise(s) : Ex recto decus

De 1706 à 1735, associé à Jacques Fabri sous la raison « Fabri et Barrillot »

La devise ici présente « legent haex nostra nepotes » a été utilisée aussi par André Chevalier (1660-1747).

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Heli Josset (1660-1719?)

Devise(s) : Candor et odor

Enseigne  : « à la fleur de Lys d’or » et « à l’amour divin »

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Henri Verdussen (1687-1721)

Enseigne(s) : In de Gulden Leeuw (Le lion d’or)

En association avec son frère Corneille Verdussen

Détail de la marque : un lion  tenant le bouclier monogrammé des Verdussen  (H et V D)

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une édition provinciale

Marque à la sphère, gravure sur bois.

Détail : une sphère armillaire portée par une main entourée de nuages

Fausse adresse, contrefaçon d’une édition parisienne, imprimée à Amsterdam par les frères Huguetan qui avaient comme comme leur père Jean Antoine la devise : « Universitas rerum ut pulvis in manu Jehovae ». La marque à la sphère a été reprise sur celle de leur père. Voir la base Printers’ Devices.

Pour en savoir plus sur les marques à la sphère voir l’article sur BiblioMab consacré aux marques typographiques.

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gravure sur cuivre. On remarquera la taille de cette marque (sur un in-folio) et la représention de l’esperance symbolisée par les fruits, une jeune nymphe, le pavot et les fleurs, l’ancre et le navire

Jérôme (ou Hierosme) Delagarde (1640-1664)

Devise(s) : Numine, nomine et omine

Enseigne(s) : À (l’enseigne de) l’Espérance

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une étonnante marque : une éclipse solaire !

Jean Guignard (1625-1676)

Devise(s) : Cito nimis deliquium passa (pas trop de hâte , elle subit une éclipse)

Enseigne(s) : À l’Image Saint Jean. – Au Sacrifice d’Abel

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vignette gravée sur cuivre.

Laurent Durand (1610-1651)

Devise : in via virtutis nulla est via (citation d’Ovide extraite des métamorphoses, « rien n’est impraticable à la vertu »)

On remarquera la femme dans un char romain tiré par un cheval aîlé  dans les airs avec une torche dans sa main gauche .

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page de titre gravée sur cuivre

Edme-Jean Le Jay (1767-1797)

Devise(s) : Je ne dois qu’à moi seul toute ma renommée

Enseigne(s) : Au Grand Corneille

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Louis Billaine (1652-1681)

Enseigne(s) : (À la Palme et) Au Grand César

Devise(s) : Tutum est quod spina coronat. – Ex arduis Pax et Amor. – Aut Caesar aut nihil

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Arion sur son dauphin tenant une harpe (il symbolisait l’éternité de l’art)

Pierre Chouet (1607?-1648?)

Devise(s) : Ars non sinit perire (« l’art ne périt point »). – Fama perpetuaque gloria comparantur. – Sine te nihil. – Noli altum sapere

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Cette gravure sur cuivre avec la devise « eadem ubique » n’est pas celle de Pierre Gosse. En étudiant les réclames, les signatures, les ornements, cette édition serait française. Le nom de Pierre Gosse a souvent été utilisé comme pseudonyme nous dit la Bnf, « employé d’abord avec ceux de Rutger Christoffel Alberts et Christiaen Van Lom par Pierre-François Émery, à Paris en 1714, pour dissimuler l’une de ses éditions. Couvre par la suite des éditions principalement françaises. » La vignette montre un ange sonnant de la trompette sacrée tenant de la main droite une palme, symboles de  la « renommée ». Je n’ai pas trouvé d’autres informations pour l’instant.

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gravure sur cuivre

Pierre le Petit (1642-1693)

Devise(s) : In hoc signo vinces

Enseigne(s) : À la Toison d’or (et à la Croix d’or). – À la Croix d’or

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symbole de la ruche et des abeilles : espérance, activité laborieuse, travail

La vignette gravée sur cuivre par Scottin Le Jeune représente une ruche entourée d’une guirlande de fleurs avec la devise « Puris Insistere Gaudent ». Ce n’est pas la marque typographique d’André Pralard qui pourrait utiliser celle de Philibert Masson à Tours (même marque, même devise). Ils se sont probablement rencontrés à Lyon dont ils sont originaires. J’ai aussi trouvé une notice d’un livre à l’adresse de Paris, par la Compagnie des libraires, d’un livre édité auparavant par Pralard (Traduction des Satyres de Perse et de Juvénal) comportant cette vignette.

Pour André Pralard :

André Pralard (1668-1719)

Devise(s) : Inimicos virtute superabis

Enseigne(s) : À l’Occasion

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Mercure et ses attributs :chapeau (pétase), sandales, caducée.

Thomas Amaulry (1669-1725)

Enseigne(s) : À la Victoire. – Au Mercure galant

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marque gravée sur bois représentant un cheval aîlé (Pégase)

Thomas Fritsch (1689-1726)

Pégase, cheval aîlé

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Duchesne, veuve de Nicolas-Bonaventure (1765-1793)

Enseigne(s) : Au Temple du Goût

Ad libitum…

Léo Mabmacien

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7 réflexions au sujet de « Diversité des marques typographiques dans les livres anciens »

  1. Vous dites, avec juste raison: Fleuron utilisé par Prault en page de titre. Ce n’est pas une marque typographique.
    C’est une gravure de Gritner repérée par Françoise Weil (l’un de ses deux articles) et aussi présente dans [Louis Guillemain de Saint Victor] La vraie maçonnerie d’adoption ; Précédée de quelques Réflexions sur les Loges irrégulières & sur la Société civile, avec des notes critiques & philosophiques : Et suivie de Cantiques maçonniques. Dédiée aux Dames. Par un Chevalier de tous les Ordres maçonniques. À Philadelphie, Chez Philarethe, rue de l’Equerre, à l’A-plomb, 1786, et [Billemaz, François] Les francs-maçons plaideurs, A Genève, 1786.

  2. Merci Philippe pour cette précision. Cela tombe bien que vous me parliez de Gritner, pour un futur article je suis à la recherche des deux articles de Françoise Weil publiés dans la revue Le livre et l’estampe. Si cela est possible et si vous les avez, pourriez-vous me les faire parvenir par mail ? J’ai envoyé un message à Mme Weil qui ne m’a pas répondu.

    Merci d’avance
    Léo

  3. J’ai contacté la bibliothèque de Bruxelles par mail, mon message a été lu, sans réponse non plus.
    Je vous fais une copie des deux articles (que j’ai reçu en photocopies) dans la semaine.
    Cordialement
    Ph. Langlet

    PS. J’ai essayé de répondre avec mon logiciel habituel, mais impossible

  4. Je suis aussi intéressé par Gritner, qui a visiblement mis au point un système de production d’ornements quasi industrialisés. J’ai recensé des dizaines d’ornements (ou fleuron, enfin bref petit crobard imprimé à l’aide d’une pièce de bois monolithique) signés par lui (et des versions rigoureusement identiques mais non signées) qui se répandent à partir des années 80 dans de nombreux ateliers des Pays-Bas autrichiens, mais aussi dans le sud de la France (de Toulouse à Avignon notamment), rendant par là les attributions d’impressions sensiblement plus difficiles…
    Oserais-je vous demander si les articles de Françoise Weil sont disponibles quelque part ?

  5. Bonjour,

    Je prépare pour bientôt un autre article sur Gritner suite à des informations apportées par un autre lecteur.
    Cordialement
    Léo

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