
Le travail de compositeur typographe n’était pas facile lorsque les journaux et les livres étaient composés à la main, caractère par caractère : « courbé sur sa casse chargée de lettres minuscules, dans le demi-jour d’un atelier généralement incommode et malsain, l’ouvrier imprimeur, en longue blouse noire, s’évertuait toute la journée (des journées de 12 ou 14 heures !) à bourrer la ligne, comme on disait, c’est-à-dire à tasser dans le composteur de menus caractères métalliques… » (Jean de Kerdeland, in L’aventure en travesti).
Homme sachant au moins lire et écrire, l’ouvrier typographe ne manquait pas de faire l’ala, une « réunion festive (et bien arrosée) sur le marbre entre les ouvriers de l’atelier » et d’oublier pour un temps les commandements du compositeur typographe » apposés au dessus de sa « casse » :
«La casse où tu composeras,
Tu dois la tenir proprement.
Du manuscrit ne lèveras
Jamais les yeux en travaillant.
Point de fautes tu ne feras,
S’il est possible, en composant.
De l’auteur ne retoucheras,
Ni mots, ni ligne, absolument.
Le même espace tu mettras
Entre les mots également.
Et surtout tu t’appliqueras
A justifier justement.
Chaque paquet ficelleras
Avec soin, bien solidement.
Les épreuves tu tireras
Chaque fois lisiblement.
Les corrections n’omettras
De faire exactement
Toute copie enfermeras
Dans ton tiroir soigneusement
Les coquilles t’efforceras
D’éviter en distribuant
De ton patron écouteras
Les avis attentivement
A l’atelier tu te rendras
Aux heures régulièrement
Et des travaux tu garderas
Le secret scrupuleusement. »
Je ne sais pas de quand datent ces recommandations rimées composées à la manière des 10 commandements, et qui en est à l’origine. On trouve trace de ces commandements dans un article de l’éphémère journal Le Refusé (paru à Lyon de 1867 à 1868) :
Ici les commandements typographiques ont été complétés pour le compositeur et on a rajouté des commandements pour le conducteur (celui qui s’occupe d’une machine à imprimer), un métier tout nouveau au 19e siècle.
Sources
L’étrange « Monsieur Foucauld » : article de Jean de Kerdeland paru dans la revue Historia
Le Refusé : littérature, arts, science, philosophie [collection Bibliothèque municipale de Lyon]
Frédéric Fayout dans Du sang, des larmes et très peu de miel évoque ces dix commandements.
Pour aller plus loin
Le compositeur typographe par P. N. Bert. [en ligne]
Texte établi sur un exemplaire (BM Lisieux : nc) de Paris ou le livre des cent-et-un. Tome cinquième.- A Paris : Chez Ladvocat, libraire de S.A.R. le Duc d’Orléans, MDCCCXXXII.- 399 p. ; 22 cm.
C’était quoi « être typographe » au 19e siècle ?
Léo Mabmacien
Le ala se chantait hier, 6 mai, jour de la Saint Jean Porte Latine, fête des imprimeurs et des typographes, dans les ateliers qui s’en souviennent.