A l’époque on ne rigolait pas avec la religion et les miracles. Les pratiques commerciales ne datent pas d’aujourd’hui et de bonnes reliques ou un bon miracle feront de votre église un lieu de pèlerinage et de dévotion couru. Je vous présente une toute petite brochure (véritable éphémère) du 18e siècle ne comportant pas de page de titre mais uniquement un titre de départ : Histoire veritable et miracles du précieux sang de notre Sauveur Jesus-Christ, à Billom. La brochure dans sa reliure d’attente marbrée comprend 12 pages et est illustrée d’une gravure sur bois à la fin, Mise au tombeau de facture naïve. On remarquera aussi l’utilisation d’un bandeau typographique et d’une lettrine gravée sur bois (je l’ai numérisée pour vous). La brochure a été imprimée en France, peut-être à Billom ou Clermont-Ferrand. Je n’ai trouvé que cette référence dans le Bulletin du bouquiniste (rien dans les principaux catalogues collectifs) :

Selon J-B. Bouillet dans les Tablettes historiques de l’Auvergne (tome 5, 1844, imprimerie de Perol), la Collégiale Saint-Cerneuf de Billom possédait une relique du précieux sang de Jésus-Christ avant 1793 :
« Vers la fin de la première croisade, au onzième siècle, deux membres du chapitre de Saint-Cerneuf de Billom, composé alors d’un doyen, de trente et un chanoines et de quarante choriers, partirent pour le voyage d’outremer, c’était Durand Albanelli, issu de l’illustre maison de Boulogne, à laquelle appartenait aussi le fameux Godefroi de Bouillon, élu roi de Jérusalem, et Pierre Barbastra, de la noble maison d’Albon. Arrivés au lieu Saint, leur premier soin fut de solliciter du patriarche des églises de la Palestine quelques précieuses reliques ; ils en obtinrent, et dans le nombre se trouva celle du précieux sang de Jésus-Christ. Elle leur fut délivrée dans un vase d’étain, avec trois attestations. Cette relique, qui fit donner à Billom, dans le moyen-âge , le nom de Ville Sainte, attira dans ses murs une foule de pèlerins, même des contrées éloignées. On assure qu’il a été souvent stipulé, dans de très anciens contrats de mariage passés dans différentes provinces de France, la réserve que se faisait l’épouse, que le mari la conduira, dans la première année de leur union, en pèlerinage au pied de la relique du précieux sang de la sainte ville de Billom ».
Cette brochure nous renseigne sur les reliques présentes dans les lieux de culte comme la couronne d’épines à la Sainte Chapelle ou le saint Prépuce à l’église du Puy-en-Velay (on en comptait 14 à l’époque !). Le sang du Christ est détenu dans plusieurs endroits comme à la Basilique du Saint-Sang de Bruges. La relique de St Cerneuf est plus « relevée » que les autres et était contenue dans un « tuyau de cristal sans ouverture, aussi frais que lorsqu’il sortit de ses veines, qui par un miracle perpétuel, monte, descend ou demeure suspendu en haut de la fiole… ». La relique était promenée dans la ville notamment à l’occasion de la fête de la Sainte-Croix. Des indulgences sont accordées en 1514 par bulle papale et une confrérie du Précieux sang mise en place. Le Précieux sang ferait des miracles notamment sur le « mal des yeux et le flux de sang ». L’auteur de cette brochure indique à la fin ses sources (j’ai complété un peu), à savoir :
La divine relique du sang adorable de Jésus-Christ, dans la ville de Billom en Auvergne. Par un P. de la Compagnie de Jésus / Raymond de Saint-Martin. A Lyon, chez les héritiers de Pierre Prost, Philippe Borde, & Laurens Arnaud, ruë Merciere 1645. Avec approbation, & permission. [12]-133-[1] p. ; in-12
et
Haemachristolatrie, ou traicté du culte et vénération du précieux Sang de Jésus-Christ, spécialement de celui qui est à Billom en Auvergne, diocèse de Clermont, en l’église collégiale de Saint-Cerneuf ; par J. Seguin / J. Seguin. Nantes : Par Pierre Feburier, 1679. In-8
Sur Wikipédia il est rappelé que « le culte des reliques relatives à la vie de Jésus débute dans le premier quart du IVe siècle avec l’excavation du tombeau supposé de Jésus sur l’ordre de l’empereur Constantin avec laquelle coïncide peut-être l’invention de la « vraie Croix », attribuée par la tradition à sa mère Hélène. »
Pour en revenir à notre fiole, le Comte de Resie dans Histoire de l’Eglise d’Auvergne (tome 3, Clermont-Ferrand, Librairie Catholique, p 153) évoque la fin du précieux sang : « La fiole de cristal, contenant le précieux sang, fut livrée , par les clubistes de Billom, à un misérable apothicaire, nommé Chappet, avec ordre d’en faire l’analyse et de leur rendre compte du résultat de cette opération. Le rapport de Chappel n’est qu’un tissu d’injures contre les prêtres et contre la religion ». N’en déplaise au Comte de Resie, le rapport qui en est fait conclu à une essence de térébenthine, bien naturelle mais nullement divine :
J’ai numérisé pour ceux et celles qui sont intéressé(e)s cette brochure :
Histoire veritable et miracles du précieux sang de notre Sauveur Jesus-Christ, à Billom [pdf]
Petite bibliographie
- Les francs-maçons à l’Orient de Clermont-Ferrand au XVIIIe siècle / Pierre-Yves Beaurepaire. Presses Universitaires Blaise Pascal, 1991
- Les reliques et les images légendaires / P. Saintyves, Mercure de France, 1912 [en ligne]
Autres livres publiés sur le précieux Sang à Billom :
- La divine relique du sang adorable de Jésus-Christ, dans la ville de Billom en Auvergne. Par un P. de la Compagnie de Jésus / Raymond de Saint-Martin. A Lyon, chez les héritiers de Pierre Prost, Philippe Borde, & Laurens Arnaud, ruë Merciere 1645. Avec approbation, & permission. [12]-133-[1] p. ; in-12
- Haemachristolatrie, ou traicté du culte et vénération du précieux Sang de Jésus-Christ, spécialement de celui qui est à Billom en Auvergne, diocèse de Clermont, en l’église collégiale de Saint-Cerneuf ; par J. Seguin / J. Seguin. Nantes : Par Pierre Feburier, 1679. In-8
- La divine relique du sang adorable de Jesus-Christ, dans la ville de Billom en Auvergne. Par un Pere de la Compagnie de Jesus. Avec les litanies, & oraisons du precieux sang de Jesus-Christ /Raymond de Saint-Martin. A Clermont, de l’imprimerie de Damien Boujon, à l’Image Saint Jean l’Evangeliste, devant le Palais. Avec permission [1691]. [8]-91-[3] p. ; in-12
- Discours historique sur le sang précieux que l’on révère dans l’Eglise Royale de Saint Cerneuf, de la ville de Billom en Auvergne. Clermont-Ferrand : P. Boutaudon, 1755. 18 p. ; in-8
- Neuvaine au précieux sang de Jésus-Christ, adoré dans l’église de Saint-Cerneuf de Billom, par M. Jacques-Marie Laden , curé de cette église. Clermont-Ferrand : [S. n], 1844. 104 p. ; in-12
Léo Mabmacien