Les bibliothèques militaires en France : ces méconnues


 

La République utile (étude de la Question Sociale) par E. Thirion. Senlis, imprimerie Ernest Payen, 1890.

Nous avons déjà évoqué ensemble cet ouvrage dans un précédent article. Cela me donne l’occasion de poursuivre sur les bibliothèques militaires, ce livre provenant d’une bibliothèque militaire. Sur la page de titre figurent la mention manuscrite « salle de réunion des officiers de J Roudeau » ainsi que le cachet « Bibliothèque du corps du 3e génie ». Les autres pages sont marquées par un cachet indiquant « Cercle du soldat du 74e régiment d’infanterie de Rouen ». Visiblement ce livre a voyagé ! Voilà l’occasion de se pencher sur ces bibliothèques méconnues.

« Un certain flou épistémologique entoure les bibliothèques militaires. Nombreuses – on en dénombre plusieurs centaines en métropole et dans les colonies avant la Seconde Guerre mondiale – variées, protéiformes, elles apparaissent tantôt sous l’appellation de bibliothèques de troupes, de caserne, d’écoles, de corps de garde, de garnison, régimentaire ou de cercle, autant de vocables différents pour désigner des bibliothèques toutes dédiées aux militaires mais qui ne recouvrent pas la même réalité ni le même fonctionnement » (Agnès Boishult, ref. ci-dessous).

L’idée du développement de la culture chez les militaires a émergé entre 1750 et 1780, dans la mouvance des idées philosophiques des Lumières. Des bibliothèques de corps de régiment  dévolues aux officiers existent depuis le 18e siècle en France, mais les premières vraies bibliothèques sont celles des écoles militaires : en 1834 les écoles d’artillerie disposent toutes d’une bibliothèque. Il faut attendre cependant le 1er juin 1872 (après la guerre de 1871) pour qu’une instruction officielle ordonne la création des bibliothèques de garnison, lieux d’instructions et de loisirs destinées aux officiers. En plus de livres et d’autres documents ces bibliothèques comprenaient des salles d’étude, des salles de réunion, voire parfois une salle de billard, d’escrime ou encore un fumoir.

Les bibliothèques de cercle (destinées elles uniquement à la distraction) sont créées par le décret du 12 juillet 1886 portant organisation des cercles et bibliothèques militaires (le décret a été abrogé en 1939).

Source : Wikipédia

Des retenues sur les appointements des officiers sont effectuées pour financer l’entretien de ces bibliothèques mais elles sont sous l’égide du Service Historique du ministère de la Guerre (puis des Armées) qui dispose notamment d’un magasin central des bibliothèques chargé de distribuer les documents pour les bibliothèques. La sélection des documents est faite par un comité central. La censure et les prescriptions sont peu importantes avant la fin du 19e siècle.

En 1919 suite à la 1ère guerre mondiale, il s’agit de réorganiser et de restaurer les bibliothèques dévastées. Selon l’humeur des autorités militaires, les bibliothèques sont déménagées, morcelées voir démantelées. Un décret-loi de 1939 portant organisation des cercles d’officiers, de sous-officiers et de soldats ravale la bibliothèque au rang « d’activité accessoire », soumise alors aux finances des cercles, devenus personnes morales. L’après-guerre signe le déclin de ces bibliothèques.

En 1939 on compte 244 bibliothèques de cercle en métropole et 147 dans les colonies. « Au 10 novembre 2010, seules 8 bibliothèques demeurent ouvertes : il s’agit de celles des cercles de Lille, Metz, Strasbourg ; Lyon, Bordeaux, Brest, Rennes et Cherbourg. »

La bibliothèque du cercle de Rouen qui était composée de 16160 volumes en 1932 n’existe plus aujourd’hui. Une partie ou la totalité du fonds a peut-être été vendue aux enchères comme celle de Nancy.

Sources :

Boishult, Agnès. Contribution à l’histoire des bibliothèques de cercle d’officiers. Mémoire de fin d’étude du diplôme de conservateur, promotion DCB19, portant sur l’histoire des bibliothèques de cercle d’officiers [en ligne]

Boishult, Agnès. Les bibliothèques de cercles d’officiers : une histoire méconnue. Les chemins de la mémoire, n° 212, février 2011, p. 2-4 [en ligne]

Ressources utiles :

Les Chemins de la mémoire (revue sur le patrimoine militaire du ministère de la Défense) [en ligne]

Catalogue informatisé des collections de la bibliothèque du SHD (Service Historique de la Défense)

Léo Mabmacien

8 réflexions au sujet de « Les bibliothèques militaires en France : ces méconnues »

  1. Bonjour Léo,
    Intéressant article qui m’éclaire sur cet aspect de la guerre et de la circulation des livres. En cherchant des renseignement sur T. W. Koch, j’ai découvert cela.
    Bien à vous, Bonne journée, Sandrine.

  2. Je vous demande même pas votre avis, léo, pour partager cet article sur facebook, parce que je trouve qu’il va bien avec mon petit sujet, même si ce n’est pas la même époque, (et il faut que je lise plus en profondeur d’ailleurs), j’y vois un lien utile.
    Merci
    S.

  3. Je confirme que celle de Rouen a été vendue aux enchères, une partie au moins, assez récemment, aux Domaines à Vincennes (vente sur offre) ; ce qui m’a permis d’acquérir l’entière collection, en reliure pleine, de la revue « Le Yacht ». Yacht qui a déjà repris son voyage depuis, puisque je l’ai emmenée chez son nouveau papa il y a quelques mois…

  4. D’ailleurs c’était assez inhabituel de participer à ce type de vente, la première pour moi, alors que je suis assez habitué aux ventes aux enchères… Là, c’était une offre sous pli fermé… Spécial…

  5. Vous voulez dire que c’est vous qui avez fait une offre sous pli fermé ?
    Léo

  6. Oui tout à fait, c’est assez habituel aux Domaines… Une autre forme d’attrait et de suspens que les ventes classiques… Assez excitant finalement… Je craignais de me faire complètement bananer, et bien pas du tout… En fait j’ai enchéri sur 6 lots, à des mises (très) modestes, et en ai remporté deux… Mais bon je ne vous ai rien dit hein…

  7. le tout est de bien calculer le prix que l’on veut mettre dans le lot. Ne vous inquiétez pas, je ne suis pas trop « Domaines » (pour l’instant) ;-)
    Léo

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