Dans les livres anciens vous aurez sûrement fait attention à ces pages colorées qui se trouvent au début et à la fin d’un livre. Ce sont les gardes, c’est à dire « chacun des feuillets non imprimés placés au commencement et à la fin d’un livre pour en protéger respectivement, la première et la dernière page » (Claude Adam in Dictionnaire encyclopédique du livre. Tome 2, E-M). L‘encyclopédie Wikipédia en propose la définition suivante : « On appelle page de garde ou feuillet de garde, ou simplement garde, le ou les feuillets qui se trouvent avant la page de faux titre ou la page de titre, essentiellement les deux pages qui se font face immédiatement après la couverture d’un livre relié. La première page du premier cahier d’un livre est collée sur la couverture du livre relié, de même que la dernière page du dernier cahier. On distingue les vraies gardes, qui sont effectivement les premières et dernières d’un cahier (même papier donc que l’ensemble du livre) des fausses gardes, qui sont des feuillets rapportés, d’un papier différent (papier plus fort, parfois de couleur, papier dit « reliure ») ». Claude Adam apporte la précision suivante : « la fausse garde est [aussi] un feuillet placé provisoirement dans un volume en cours de reliure entre le contreplat et les gardes pour protéger ceux-ci ». Les fausses gardes temporaires sont apparues au 19e siècle.
La page de garde collée sur le contreplat (supérieur ou inférieur) est appelée contre-garde. Autre définition on parle de « garde avant, garde supérieure, qui protège la première page, par opposition à la garde arrière ou garde inférieure, qui protège la dernière (Claude Adam, ibid). La garde volante est un feuillet mobile, non contrecollé. Le Dictionnaire de l’édition dont j’ai déjà parlé apporte les précisions suivantes : « Les feuilles de garde sont constituées de double feuillet (4 pages) : la première est collée sur le plat de couverture, la seconde, appelée » garde volante « , protège le premier feuillet du premier cahier de l’ouvrage. De même, la troisième feuille protège le dernier feuillet du dernier cahier de l’ouvrage tandis que la dernière est collée sur le recto de la quatrième de couverture. On parle également de » garde avant » et de » garde arrière « . « Les livres du 15e et du 16e siècle (voir après) ne comportent qu’une contre-garde, c’est à dire que l’on tombe directement sur la page de titre du livre, la garde étant collée au contreplat. Plus tard on utilisa un cahier « de quatre gardes en tête et en fin de volume ; l’une des gardes étant collée au contreplat, il demeurait ainsi trois gardes volantes à l’avant comme à l’arrière du volume (Claude Adam, ibid). »
Les gardes sont parfois de la même origine que le papier du texte mais « le plus souvent d’une provenance plus tardive ».
Les gardes comme leur nom l’indique ont donc une fonction de préservation, de garder les autres cahiers d’un ouvrage en bon état (protection) avant d’être esthétiques. Les gardes ne sont pas toutes colorées, loin de là, avant le 18e siècle elles sont pour la plupart « blanches » (voir la chronologie ci-dessous). Le 18e siècle voit le triomphe du papier marbré.
Comme on peut le voir dans l’exemple ci-dessous d’un livre broché avec sa couverture d’attente les gardes sont absentes. En effet les gardes « appartiennent à la reliure et relèvent par conséquent de ce que l’on appelle les particularités d’exemplaire » . Elles ne sont pas à prendre en compte dans la pagination sauf exceptions quand des pages blanches liminaires font partie du corps de l’ouvrage. Dans ce cas-là le relevé des signatures permettra de les déceler.
Petite chronologie :
Avant le 15e siècle : gardes en parchemin, souvent une demi-garde
Au 15e et 16e : le parchemin est progressivement remplacé par du papier ( un demi-feuillet et 2 feuillets).
Vers 1640 : place au papier marbré
Au 17e : gardes blanches puis vers 1640 de couleur, petit peigne à 7 couleurs, d’abord au contreplat uniquement puis double garde de couleur fin 17e
Le papier marbré est ratissé avec un peigne très étroit, il n’est utilisé au début (coût, rareté ?) qu’au contreplat.
Fin 17e : autres papiers décorés : papier d’Ausburg…
Des gardes en soie (tabis) roses ou bleu-vert, en argent ou en or plein (l’argent s’oxyde et l’or n’est utilisé que sur de petits formats), doublure en cuir
18e siècle : papiers de couleurs divers et variés, marbrés, dominotés, dorés… soie (reliure de luxe)
19e siècle : grande variété de genres : papier, peau, tissu…
Sources :
Dictionnaire encyclopédique du livre. Tome 2, E-M. Paris : Editions du Cercle de la Librairie, 2005. ISBN 2-7654-0910-2
Petit manuel de l’amateur de livres / A. Cim. Paris : E. Flammarion, 1923. 255 p.
Histoire de l’édition française [2] : le livre triomphant, 1660-1830 , p. 204
Restauration des manuscrits et des livres anciens / Claude Adam,… Puteau : erec, 1984. 1 vol. (166 p.). ISBN 2-905519-00-2 [article sur BiblioMab]
Léo Mabmacien
Un bel article, clair, bien complet !
J’avais oublié ce terme même dans ma pratique : les fausses gardes!
Merci Léo.
Bien à vous,
Sandrine.
Les reliures fin XIXeme ont vu l’apparition passagère de papiers moirés souvent associés aux ouvrages religieux. Fragiles mais flatteurs. Se nettoient bien… Pierre
à partir de 1870 la mode est au « pastiche » ! on reproduit alors les décors des papiers marbrés anciens (on ressort les petits peignés), sauf que le support n’est plus un papier chiffon vergé mais un papier bien lisse et brillant, et qu’il y a plus de couleurs (des bordeaux, des violets, etc)
Et aujourd’hui les relieurs d’art fabriquent eux-mêmes leurs gardes, dans une appréhension totale de l’ouvrage : résultat magnifique !
Merci pour ces informations précieuses pour la préparation de concours de la fonction publique dans le domaine du patrimoine !
Merci :-))
et bon courage…
Léo
[…] à la plume sur la page de titre (de manière succincte et souvent abrégée), mais aussi dans les feuillets de garde, les feuillets liminaires ou sur une tranche du […]
Qu’est-ce que « la page de faux titre » et comment appelle-t-on le machin qu’on met entre 2 pages d’un livre, pour retenir où on est arrivé dans la lecture ?
Merci de ne répondre que via mail à info@livingtantra.be
d’origine flamand (personne n’est parfait) et mélangeant pas moins de 5 langues, je m’embrouille parfois. Merci de votre compréhension et réponse.
Qu’est-ce que « la page de faux titre » et comment appelle-t-on le machin qu’on met entre 2 pages d’un livre, pour retenir où on est arrivé dans la lecture ?
D’origine flamand (personne n’est parfait) et mélangeant pas moins de 5 langues, je m’embrouille parfois. Merci de votre compréhension et réponse.
Bonjour,
Faux-titre : page imprimée reprenant le titre souvent en abrégé qui se trouve avant la page de titre
2e question : un signet
Cordialement
[…] Ensuite j’aborderai les gardes blanches. […]
Merci du temps que vous prenez pour partager votre savoir. Votre article est très clair et répond parfaitement a mes questions.