Pour la personne intéressée par la typographie, Pierre-Simon Fournier (1712-1768) est un incontournable. C’est l’un des plus grand graveur et fondeur de caractères français du 18e siècle (je dirais même le plus important), célèbre pour son Manuel typographique. La technique au 18e siècle reste la même (à peu près) mais les caractères évoluent. Etabli en 1739 comme graveur et fondeur Pierre-Simon Fournier crée et innove en matière de caractères typographiques, ce qui le rendra célèbre mais aussi copié. Il rationalise l’échelle des corps (les dimensions des caractères) qui avaient alors des dimensions aléatoires en établissant une unité de longueur (le « point Fournier« ). Innovation nous dit Yves Perrousseaux (références à la fin) qui sera reprise par François-Ambroise Didot et donnera naissance au « point Didot ». Théoricien, historien et créateur infatigable il édite (entre autre) avec l’aide de l’imprimeur Barbou un Manuel typographique utile aux gens de lettres (1764-1766). La première partie est un état des lieux et des connaissances des caractères typographiques, de la gravure et de la fonderie. La deuxième présente ses spécimens de caractères (et quelques-uns repris chez d’autres) qui nous intéressent ici.
Yves Perrousseaux (je vous recommande chaudement ses ouvrages) indique que Pierre-Simon Fournier a crée « 15 capitales de très grands corps (…), 137 alphabets de diverses langues, 377 vignettes et autres figures dont les notes de plain-chant et les notes de musique » (il est le premier en France à introduire les notes rondes pour l’écriture musicale). Ce qui fait 60000 poinçons à graver (à raison de 3 ou 4 par jour pour 3h à 4h de travail pour un seul poinçon). On a de lui le caractère Le Fournier (exemple ci-dessous) mais surtout ses fameuses capitales ornées et ses vignettes très caractéristiques.
Voici quelques exemples de vignettes typographiques de Fournier. Ce sont des vignettes simples qui par le jeu des combinaisons permettent d’obtenir des vignettes à combinaisons très élaborées et stylisées.
Fleurons, culs-de-lampes, lettrines et bandeaux sont ainsi déclinables à loisir selon l’imprimeur. Voici un bandeau où j’ai délimité par des traits rouges les différentes vignettes qui le composent :
Pierre-Simon Fournier n’est pas l’inventeur des vignettes à combinaisons qui datent du XVe siècle mais il sut adapter et renouveler celles-ci. Voici un exemple de vignettes du 17e où l’on retrouve nos « deux points » de justification.
Remises à l’honneur par la fonderie G. Peignot et Fils (début 20e) les polices de Fournier sont toujours proposées à la vente.
Sources
FOURNIER P., GRAVELOT, SÈVE J. D., FESSARD É., BARBOU J. (. Manuel typographique, utile aux gens de lettres, & à ceux qui exercent les différentes parties de l’art de l’imprimerie. Par Fournier, le jeune. Tome I-[II]. Paris : imprimé par l’auteur et se vend chez Barbou, 1764-1766. 2 tomes (XXXII-323 p., [16] f. de pl. ; XLIV-306 p.) p. [Le fac-similé est en ligne]
PERROUSSEAUX Y. Histoire de l’écriture typographique. , Le XVIIIe siècle. Tome I. [Méolans-Revel] : Atelier Perrousseaux éd., 2010. 239 p.
Léo Mabmacien
Merci Leo pour ce papier, omme toujours bien documenté. J’aurais appris que les vignettes à combinaisons dataient du 15 ème s. Jusqu’à présent,je pensais que c’était une invention du 18ème !
Textor
Bonjour ,
Je me pose une question: il existe tout un tas de fleurons, filets, roulettes qui ont servis au décor des livres, et qui servent toujours, même si ils ont été « re »fabriqués, en accord avec ces vignettes;
à qui appartenaient-ils dans un atelier et qui commandait le style.
En bref y a-t-il quelque part des archives sur ce sujet?
Avez vous des informations ou d’autres livres sur ce sujet, mis à part ceux trés beaux d’Yves Devaux.
Bien à vous.
Sandrine.
Très intéressant billet !
Parfois on a la méchante impression que ces vignettes typographiques, bandeaux et autres cul-de-lampe, ça fait un peu bricolage… mais ça a son charme.
Je crois qu’il existait en Hollande un grand utilisateur de ces « décors typographiques », c’est Marc-Michel Rey, éditeur entre autres des textes matérialistes et athéistes tels qu’Holbach, Boulanger, Helvetius, etc.
Bonne année 2011 Léo !
B.
Je dirais même un peu « lego » non ?
Bonne année à vous et au Bibliomane !! Je vois que vous avez repris une « activité normale » ;-))
Léo
Marc Michel Rey? l’éditeur attitré de Rousseau que vous avez présenté récemment, Bertrand ?
Mais rien ne prouve en ce qui concerne l’ouvrage en question qu’il soit un grand amateur de lego….
Textor
@Textor : la typo cela ressemble à un jeu de construction non ? ;-))
Léo
Bonjour,
La question que j’ai posée était-elle bête?…
je recherche toute forme de lecture technique, historique sur le sujet des doreurs, relieurs, considérés comme la 12ème roue du carosse… les archives sur l’organisation du travail dans les ateliers, la fabrication du materiel, et les donneurs d’ordre semblent peu nombreuses.
Comment tout cela s’organisait pour que vous puissiez aujourd’hui assouvir vos passions de bibliophile?
Il me semble que j’ai depassé le stade du lego.
Je préfére de loin le mécano… mais bon la maternelle, c’est un peu loin.
Bien à vous , Léo;
Sandrine.
Notamment pour le parangonnage des formules dans les ouvrages scientifiques, mathématiques entre-autres.
Bonne Année à tous.
Superbe billet où l’on apprend et où l’on comprend !
Désormais on ne pourra plus hésiter sur la pérennité de certains vignettes et de quelques pièces de titre du 18eme siècle.
Et l’explication étayée des vignettes à combinaison ! Vous commencez très fort, Léo. Pierre
@Pierre : merci, j’ai découvert beaucoup de choses en écrivant cet article, grâce à Yves Perrousseaux. Et j’ai beaucoup aimé l’écrire. Je ne vous promets pas la même chose tout le temps, il y’aura des billets plus légers… ;-)
@ Sandrine : aucun idée dans l’immédiat pour ma part. Des recherches sur les doreurs, relieurs il y’en a eu et il y’en a. Allez donc voir le site de l’Ecole des Chartes (notamment la base des thèses : http://theses.enc.sorbonne.fr/formulairethese.html)… Interrogez les catalogues collectifs, les bases de données spécialisées pour trouver des articles, des livres…. Si quelqu’un a des références à donner à Sandrine, merci d’avance !
Léo
Merci Léo. J’y vais tout de suite.:-)
Vraiment merci,
je peux faire mon marché dans la liste des théses entre 1852, je crois et 2008… j’en ai pour quelques temps [;-))] à trouver ce que je cherche.
et ensuite à approfondir les pistes données dans les résumés de ces théses…. la curiosité etant mon plus vilain defaut, il ne reste plus qu’à aller lire les théses avant 1961 sur place ou en les demandant à leurs auteurs, parce que non conservées…
je vais savoir quoi faire lorsque je ne pourrais plus pratiquer la reliure: des recherches et une thése par validation des acquis par correspondance à l’université du temps libre de mon coin:-))
je crois que le livre de M. Devauchelle pére en 3 volumes est issue d’une thése… Je n’en suis pas sure.
inabordable aujourd’hui, comme le resumé de M. Devauchelle fils en 1 volume… 250 euros le dernier prix sur Ebay ( en vrai, il en vaut 75, mais n’est plus réedité.)
Mais le desir d’apprendre, ça n’a pas de prix!
Bien à vous ,Léo
Sandrine.
Sandrine pour les livres pensez à aller en bibliothèque. Vous trouverez le Devauchelle !
Léo
Oui merci Léo… le bon sens prés de chez vous:-)
merci Léo, c’est très intéressant… et évidemment, avec ce genre d’incitations, vous allez bien finir par me convaincre de l’acheter, ce Perrousseaux !
Pour Sandrine : dans les derniers numéros de Arts et Métiers du Livre, on trouve un article sur la dorure, très intéressant, entres autres.
vous pouvez aussi l’emprunter dans toute bonne bibliothèque ;-))
Il est très très intéressant.
Léo
oui, mais une bonne bibliothèque, c’est malheureusement assez loin de chez moi. Et j’ai toujours beaucoup de mal à rendre les livres intéressants, de référence, comme j’imagine celui-ci. Quand aux autres… je n’aurais pas dû les emprunter !
Merci pour ces reponses:-)
bien à vous; sandrine
[…] https://bibliomab.wordpress.com/2011/01/03/vignettes-et-caracteres-de-pierre-simon-fournier-dit-le-je… […]
[…] de Martin-Dominique Fertel, de Pierre-Simon Fournier et de ses vignettes à combinaisons dont je vous ai déjà parlé, de William Caslon. Deux poses sont consacrées aux écritures réalisées au pochoir et à Denis […]
[…] affaire à une belle contrefaçon. On notera que Jacques Garrigan affectionne particulièrement les vignettes typographiques de […]
[…] Manuel typographique de Pierre-Simon Fournier (disponible en fac-similé) montre un alphabet de lettres tourneures […]
[…] aurait mieux fait d’utiliser des bandeaux "neutres" voire typographiques […]
[…] Aussi, petit à petit, les ornements vont être réalisés comme des caractères (en fonte). On verra des fleurons, des vignettes et des bandeaux ornant le haut des pages composés par une combinaison et juxtaposition de vignettes. Je vous renvoie sur le site de bibliomab, où l’on voit très bien ces assemblages. […]
[…] fruste, condensée (format in-8 de 40 pages) et utilise des ornements typographiques passe-partout (vignettes typographiques de Fournier). Et, cerise sur le gâteau, on trouve à la fin du texte le texte suivant (image ci-dessous) : […]
[…] fruste, condensée (format in-8 de 40 pages) et utilise des ornements typographiques passe-partout (vignettes typographiques de Fournier). Et, cerise sur le gâteau, on trouve à la fin le texte suivant (image ci-dessous) : […]
[…] vue les informations sont les mêmes non ? On remarque cependant la différence de fleuron, ici un fleuron typographique bien anonyme contrairement au fleuron de la première édition. La page de titre est également […]
[…] Fournier, dit le Jeune (1712-1768). J’avais déjà évoqué ce célèbre graveur dans un précédent article, en vous présentant un livre utilisant les caractères et ornements typographiques de Fournier, […]